Ma réaction à la situation actuelle du pays

Ma réaction sur la situation actuelle du pays - Janvier 2019


Bonjour à tous,

Vous êtes nombreux à m’interpeller (a juste titre d’ailleurs) pour connaître ma position sur la situation que nous connaissons aujourd’hui.
La vérité c’est que je suis encore en train d’absorber ce que je vois et j’entends pour essayer de démêler les choses. Je passe beaucoup de temps à écouter chacun. Car il y a beaucoup de choses qui sont exprimées.

Je voudrais d’abord dire qu’il me parait encore difficile de faire émerger un discours unique de ce mouvement spontané. On entend des choses contradictoires, et en dépit des revendications claires que les uns ou les autres peuvent exprimer isolément, quand on rassemble le tout il n’y a pas de consensus sur ce qui est demandé du gouvernement. C’est une première difficulté pour moi pour pouvoir bien relayer ce qui est dit. C’est pourquoi je souhaite pouvoir faire ce que nous avons été nombreux à demander au gouvernement, à savoir organiser des concertations publiques où nous pourrons travailler ensemble sur le message précis que je dois faire remonter. Car en tant que députée c’est bien mon rôle de faire remonter les messages des citoyens de la circonscription. Je le fais déjà et le ferai encore évidemment bien volontiers. En revanche, il convient que le message qui remonte ne soit pas celui isolé d’untel ou d’untel mais bien un message qui puisse convenir au plus grand nombre. Si nous voulons que ce message soit audible il doit se structurer. 

Je pense donc que c’est un temps nécessaire et positif que celui qui est proposé de la concertation pour mettre de l’ordre dans ces demandes et je me mettrai au service, comme c’est mon rôle, de l’expression des citoyens qui voudront bien y participer.
Ça c’est mon message principal car je pense qu’il est aujourd’hui plus important de faire remonter ce qui est dit que de donner mon propre avis.

Mais puisque vous voulez aussi mon avis je vous le donne bien volontiers. Je pense que des mesures de justice sociale doivent émerger... La misère de certains de nos concitoyens n’est pas récente, je ne crois pas en toute sincérité qu’elle puisse être imputée à ce gouvernement (les partis qui essayent de le faire croire sont en ce sens d’une mauvaise foi absolument abjecte), mais ce gouvernement tarde à y remédier contrairement à l’espoir qu’il avait pu faire naître... Je pense en sincérité que le gouvernement a la volonté d’apporter des réponses, mais force est de constater qu’il l’a fait de manière insuffisante sans aucun doute et en apportant des réponses de long terme à des gens qui ont besoin de solutions immédiates.
 
Il nous faut donc des mesures sociales fortes et rapides pour accompagner mieux encore les plus fragiles. En revanche je me garderai bien de dire lesquelles. J’estime que les élus doivent aujourd’hui faire preuve de modestie et se mettre à l’écoute des idées des gens et non pas se dépêcher de proposer des solutions toutes faites, issues souvent de programmes électoraux précédents... J’irai plus loin en mettant en garde les marchands de rêve qui promettent des choses irréalisables : rien n’est gratuit, tout a une contrepartie. J’entends qu’on demande toujours moins de taxe et toujours plus d’aides d’état... c’est un paradoxe que nos enfants ne pourront pas soutenir. Aussi les demandes doivent elles être éclairées des conséquences de ces demandes... le débat doit être un débat de gens responsables. On ne peut pas se laver les mains des conséquences de ce qu’on dit et demande.

Je souhaite que les concertations nous donnent l’occasion de trouver des solutions inédites... plus créatives que ce que nous avons tous pu penser auparavant. Je crois que les réponses sont dans des compromis d’équilibres. Et je crois que de nombreuses solutions seront des solutions locales. Je ne suis pas sure que l’état puisse avoir réponse à tout... Je crois que l’intuition collective de solutions de proximité est la bonne, mais sans doute l’état doit il accompagner cela.

Par ailleurs et plus largement, je suis personnellement, comme je l’ai dit, partagée sur ce mouvement des gilets jaunes. D’abord, je le trouve très positif! Cela vous étonnera peut être (sauf si vous me connaissez) mais j’ai toujours pensé qu’il était urgent que les gens se saisissent de la chose politique et y participent. Ce mouvement est une manière de le faire et j’en suis ravie. Je pense que trop de gens et depuis trop longtemps considèrent que la politique est l’affaire de quelques uns. C’est un avis que je ne partage pas. Je pense que la politique est l’affaire de tous. Les gilets jaunes se disent apolitiques. C’est un leurre. Ils sont apartisans, cela c’est sans doute vrai pour la plupart d’entre eux, mais ils participent aujourd’hui au débat politique et je m’en félicite! Notre système démocratique crève de ce que trop de citoyens s’en désintéressent. C’est donc un des aspects qui me réjouis dans ce mouvement des gilets jaunes! Ce sont des gens qui se disent qu’il n’est plus possible qu’on décide sans eux. Ils ont raison. Et je crois que c’est une véritable opportunité démocratique. 
Le fait que ces gens ne se sentent pas représentés aujourd’hui est évident. Ils repoussent toute volonté de récupération politique par quelque parti que ce soit ce qui montre qu’ils ne sont pas dupes des tentatives qui ont lieu, mais ce qui m’interpelle c’est qu’ils poussent si loin la défiance de la représentativité qu’ils refusent aussi que certains d’entre eux s’érigent en portes paroles. Chacun veut parler de sa propre voix et refuse que sa voix soit englobée ni confondue avec une autre. 

Je crois que cela, c’est ce que nous récoltons pour nous être contentés année après année d’un affaiblissement de la représentativité. Notre modèle démocratique est basé sur le fait d’élire des portes paroles qui s’expriment en nos noms. Politiques, syndicaux, associations, chambres consulaires,.. toutes les organisations vraiment. Aucune n’est épargnée par le nombre de votant qui se réduit année après année... les représentants élus le sont par une part de plus en plus faible des corps qu’ils représentent. 
C’est un tort partagé vraiment. Sans doute lassés d’être mal représentés, nos concitoyens ne souhaitent plus jouer le jeu de la démocratie. Mais en même temps les citoyens qui ne votent plus et se font imperméables aux efforts réels de tous ces corps pour regagner cet électorat potentiel mais désengagé doivent aussi porter la responsabilité de cet affaiblissement. Car ils ne se font pas plus exigeants vis à vis des élus, ils s’en détournent simplement. Comme si la démocratie était une option.Et le revers de cela, c’est la violence qui s’exprime. Car le corps social, si il n’est pas structuré et organisé est soumis au risque de la violence débridée. Pourquoi ne pas casser? Détruire? Brûler? Pourquoi faire société ? Ce que nous vivons aujourd’hui, je le crois, c’est cela. La destruction de symboles républicains comme l’arc de triomphe, la dégradation de bâtiments publiques, les agressions physiques des forces de l’ordre (qui je le rappelle ne sont là que pour protéger les manifestants et non pour les empêcher de manifester)...

Vous me direz, j’en suis sure, que la colère qui s’exprime n’existe que contre les mesures prises par le gouvernement actuel. Personnellement je n’en crois rien. Et je pense que tout responsable élu devrait se garder de cette réponse simpliste. Je crois que si EN MARCHE a fait une erreur, c’est celle là: penser que ceux d’avant étaient moins bons ou moins honnêtes ou moins sérieux et qu’eux même allaient pouvoir réussir ce qui ne l’avait pas été: à savoir une participation massive de la société dans son ensemble au débat démocratique.

On y a cru. Nombreux s’engageaient pour la première fois dans ce mouvement d’émergence citoyenne. L’assemblée nationale n’a jamais été composée aussi massivement de néophytes issus directement de « la société civile », jamais aussi diversifiés dans leurs profils. Et pourtant dès que nous avons été élus nous sommes passés, dans l’esprit des gens, du côté obscur. Tout comme ces gilets jaunes qu’on menace de mort d’avoir trahis le mouvement en rencontrant le premier Ministre... Nous sommes passés du jour au lendemain de citoyens à Elus et au même moment avons perdu à leurs yeux le droit de parler pour les citoyens car nous n’étions plus « l’un d’entre eux »... y compris parmi les marcheurs qui avaient participé à nous faire élire.

J’ai vécu ce sentiment avec stupéfaction. Du jour au lendemain je n’étais plus Marjolaine j’étais Mme la députée, je n’étais plus une maman, une épouse, une ancienne prof, une jeune cheffe d’entreprise qui galèrait à faire tourner sa boîte... j’étais devenue une nantie, une privilégiée qui ne comprenait rien à la vraie vie des vrais gens... une déconnectée ! J’étais devenue un stéréotype.
Cette fracture entre « politique » et « citoyenneté » est un danger réel et grave pour notre société dans son ensemble. Je voudrais rappeler, comme je le fais dans les lycées et auprès de tous chaque fois que j’en ai l’occasion, que tout est politique. La politique c’est la vie de la cité, au sens large, et des gens qui y vivent. La politique, c’est la société. Dire qu’on ne fait pas de politique ou qu’on ne s’intéresse pas à la politique c’est dire, ni plus ni moins, qu’on ne s’intéresse pas à la société. Ne vous laissez pas déposséder de la politique, de ce qui fait société. Ne laissez pas la politique aux autres. Exprimez vous, participez, et comptez sur moi pour aider à amplifier votre voix du mieux que je peux.

Mon engagement politique n’a jamais été autre chose... permettre au plus grand nombre de s’impliquer, aux énergies de se conjuguer pour progresser ensemble.

En revanche, je refuse et refuserai toujours le chaos. La violence. Les intimidations. Ceux qui pensent que s’assoir à la table n’est pas suffisant et qu’il faut la renverser ne trouveront pas de soutien auprès de moi. Ce n’est pas dans mes valeurs. Je crois au dialogue. Je crois à la capacité des gens à trouver des solutions ensemble. La démocratie, est sans doute le pire des modèles... à l’exclusion de tous les autres! C’est vrai que ça n’a rien de simple. On croit que c’est un acquis... Mais la démocratie c’est un combat, c’est une bataille de tous les jours. Sans doute avons nous tous, collectivement, négligés de mener ce combat là.

Ce qui se passe aujourd’hui est donc une opportunité démocratique. 

Saisissons la, non pas les uns contre les autres, mais ensemble.
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