Mars 2023

Ma réaction sur la situation et la réforme des retraites

Chère Madame, cher Monsieur,


Le temps du débat autour de la réforme des retraites touche à sa fin. J’ai tardé à écrire ce message, et vous constaterez qu’il est long, mais la situation actuelle et vos interpellations me semblaient mériter plus qu’un bref message à chaud sur les réseaux sociaux.


 Retour sur le processus des débats :

Après 15 jours d’un débat très difficile à l’Assemblée Nationale (que vous avez pu suivre avec moi en partie via les réseaux sociaux) et qui n’a pas permis de finir l’examen du texte… après une lecture plus sereine au sénat qui s’est conclue par une adoption d’un texte amendé… après (comme c’est toujours le cas) une commission mixte paritaire qui a réuni des parlementaires représentants de l’assemblée et du sénat qui s’est mise d’accord sur un texte commun… un texte modifié par rapport à la proposition initiale du gouvernement a été renvoyé devant les deux chambres pour un vote final.


 Retour sur le contenu de la réforme:

 Ce texte prévoit que l'âge légal de départ en retraite sera relevé progressivement de 62 à 64 ans, au rythme de 3 mois par an à partir du 1er septembre 2023 jusqu'en 2030. Les travailleurs handicapés pourront partir en retraite à partir de 55 ans, et ceux en invalidité à 60 ans.

Pour obtenir une pension "à taux plein", la durée de cotisation requise passera de 42 ans (168 trimestres) actuellement à 43 ans (172 trimestres) d'ici 2027, au rythme d'un trimestre par an. Cet allongement était déjà prévu par la réforme Touraine de 2014, mais sur un calendrier moins resserré.

 L'annulation de la décote restera toutefois maintenue à 67 ans pour ceux qui n'auront pas tous les trimestres requis.

 La plupart des régimes spéciaux existants, dont ceux de la RATP, des industries électriques et gazières et de la Banque de France, seront mis en extinction selon la "clause du grand-père", déjà mise en oeuvre à la SNCF. La mesure ne s'appliquera donc qu'aux nouveaux embauchés.

 Les pensions des futurs retraités justifiant d'une "carrière complète" (43 ans de cotisations à terme) ne pourront pas être inférieures à 85% du Smic, soit environ 1.200 euros brut par mois au moment de l'entrée en vigueur de la réforme.

Les retraités actuels justifiant des mêmes critères bénéficieront aussi de cette revalorisation.

 Un « index senior » sera créé pour mieux connaître la place des salariés en fin de carrière dans les entreprises. Il sera obligatoire dès cette année pour les entreprises de plus de 1000 salariés, un seuil abaissé à 300 salariés en 2024. Sa non-publication sera passible de sanctions.

 Un nouveau type de CDI sera créé à titre expérimental pour faciliter l'embauche des demandeurs d'emploi de longue durée de plus de 60 ans, exonéré de cotisations familiales.

 Les règles du cumul emploi-retraite seront également modifiées afin que les retraités reprenant une activité professionnelle améliorent leurs pensions. La retraite progressive, qui permet de passer deux ans à temps partiel avant de partir en retraite, sera quant à elle "assouplie".

 Sur les carrières longues : Ceux qui ont commencé à travailler tôt pourront toujours partir plus tôt. Ceux qui ont commencé à travailler entre 20 et 21 ans pourront partir un an plus tôt, à 63 ans; ceux qui ont débuté avant 20 ans pourront partir deux ans plus tôt, soit 62 ans; ceux qui ont commencé avant 18 ans pourront faire valoir leur droit à la retraite quatre ans plus tôt, soit 60 ans; ceux qui ont démarré avant 16 ans pourront terminer leur carrière six ans plus tôt (contre 4 ans auparavant), soit 58 ans.

 La durée minimale de cotisations, une fois l'âge anticipé atteint, sera désormais fixée à 43 ans cotisés pour toutes les carrières longues.

 Quand aux femmes, une surcote de pension allant jusqu'à 5% sera accordée aux femmes qui, sous l'effet des trimestres validés au titre de la maternité et de l'éducation des enfants, dépasseront les 43 annuités requises pour une pension à taux plein, un an avant l'âge légal de départ.

Le nombre de trimestres pour éducation attribués à la mère, dans le partage entre parents, est augmenté. La majoration de pension pour enfants sera en outre étendue aux professionnels libéraux et aux avocats. Les orphelins pourront enfin bénéficier de la réversion de la pension de leurs parents.

 En ce qui concerne la pénibilité, le compte professionnel de prévention prenant déjà en compte le travail de nuit et d'autres critères de pénibilité pourra être utilisé pour financer un congé de reconversion professionnelle.

D'autres critères comme le port de charges lourdes, les postures pénibles et les vibrations mécaniques seront eux pris en compte au moyen d'un nouveau "fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle". Chez les fonctionnaires, les "catégories actives" englobant notamment les policiers, pompiers et aides-soignantes conserveront leur droit à un départ anticipé.

Comme on peut le voir, il y a bien, en contrepartie du report de l’âge de départ à la retraite des mesures d’améliorations du système actuel.


Adoption du texte

Ce texte final a été validé par le sénat et devait être mis aux voix jeudi dernier à l’Assemblée et jusqu’à la dernière minute c’était bien l’objectif. A ce stade-là, on pouvait souligner que la majorité présidentielle à l’Assemblée et la majorité sénatoriale LR étaient arrivées à un accord. On pouvait penser que la majorité présidentielle serait de nouveau soutenue (en cohérence) par LR pour le vote final à l’Assemblée.


C’est donc bien non pas un vote responsable mais un vote politique auquel se sont résolus une partie des LR de l’Assemblée. L’objectif n’étant clairement pas la réforme des retraites en elle-même mais le coup politique que celle-ci permettait.

Le rejet du texte étant alors probable, le gouvernement a alors souhaité actionner le 49.3. Cet outil législatif est prévu par notre constitution tout comme l’est la possibilité de proposer une motion de censure. C’est ce qui a été fait. Lundi elle a été votée et pour être adoptée il aurait fallu qu’elle rassemble la majorité de l’assemblée, et ça n’a pas été le cas. Il aura manqué quelques voix. C’est une courte majorité en faveur du maintien du gouvernement mais une majorité tout de même.

Voilà, de manière aussi transparente et complète que possible la synthèse de la réforme des retraites.


 Ce que j’en pense

Une réforme impopulaire mais nécessaire. Je sais qu’il y a eu de longs débats et beaucoup de flou sur la nécessité de cette réforme.

J’ai moi même reçu à de nombreuses reprises ces dernières semaines en circonscription les différents syndicats pour écouter, répondre aux inquiétudes et échanger sur leurs revendications.

Outre tous les arguments évidents qui soulignent que nous sommes les derniers par comparaison européenne à avoir intégré les paramètres de l’allongement de la durée de vie et de la baisse du nombre d’actifs par rapport au vieillissement de la population… Ma conviction c’est qu’aucun gouvernement ne s’engage dans une réforme des retraites en France autrement que par responsabilité. Parce que clairement et c’était très anticipable, cela n’a pas été une partie de plaisir. On peut le regretter mais la gestion budgétaire responsable et rigoureuse est effectivement majoritaire à l’Assemblée Nationale entre la majorité présidentielle et la droite. La dégradation des comptes et la dette repoussée devant nous et aux générations futures n’est pas la manière dont la majorité des parlementaires veut travailler.


 La contestation de la réforme des retraites: le symptôme du désir d’une autre relation au travail ? D’une autre société ?

Cette réforme, comme le choix du véhicule législatif choisi (un projet de loi de finance rectificatif) l’indique, est une réforme budgétaire. Ce n’est pas une réforme de société, ni une réforme de notre relation au travail, même si au cours de ce rééquilibrage on a pu faire varier des paramètres de sorte à améliorer un peu la situation des femmes, des orphelins, des retraités modestes, de ceux qui commencent à travailler tôt ou qui ont un travail particulièrement pénible et usant… Ma conviction c’est que nous voulons faire porter beaucoup de choses… trop de choses à cette réforme ! Ce n’est pas son objectif, ce texte par nature n’en a pas la capacité.

 Mais je pense qu’il est indispensable qu’on entende toutes ces demandes qui s’expriment à l’occasion de la réforme des retraites.

Je souhaite qu’on puisse continuer à travailler sur l’amélioration des conditions de travail des gens tout au long de leur vie. Une loi sur le travail devait être prochainement débattue, j’espère sincèrement qu’elle pourra l’être, pour aborder toutes ces questions-là. Et personnellement je souhaite qu’Olivier Dussopt ne fasse pas les frais de la réforme des retraites. C’est un homme intellectuellement honnête, un humaniste et un excellent technicien de ces sujets. Je le dis sans aucune hésitation, je l’ai vu travailler. J’ai vraiment beaucoup d’admiration pour lui. Son défaut principal c’est qu’il est remarquablement équipé pour chercher des compromis, mais très désarmé devant la mauvaise foi, les petites phrases et les outrances. Personnellement je ne lui tiens pas rigueur de ça.

Sur la question du partage des richesses, des surprofits, sur la répartition des efforts et des bénéfices de ces efforts entre les Français, je pense (comme nombre d’entre vous je crois) que le compte n’y est pas. Qu’il y a des transformations profondes à faire. Mais alors je ne crois pas une seconde aux pseudo-solutions populistes et caricaturales que nous servent tantôt LFI tantôt le RN. Ce sont des promesses auxquelles on a très envie de croire bien sûr, mais ce sont des promesses creuses. Et dangereuses parce qu’elles sapent en réalité les solutions réalistes qui peuvent être mises en œuvre en les pointant systématiquement comme « tièdes ». Le compromis n’est pas tiède. Ce « en même temps » qui est devenu la signature d’Emmanuel Macron et qui moi m’a attirée en politique, c’est le refus de considérer le monde en noir et blanc, c’est un équilibre continuellement à rechercher.


 Pour moi la réforme des retraites est terminée, beaucoup de choses seraient sans doute encore à dire. Beaucoup de choses à regretter. Mais je ne crois pas que la rue doive venir remettre en cause le processus démocratique qui a eu lieu. Il y’a eu des accords et des désaccords. Des débats, satisfaisants ou non, et il y a eu des votes. Il y aura a priori encore des recours devant le conseil constitutionnel. Que tout cela suive son cours.


On sent bien que le pays est divisé. Que les majorités sont courtes. Que des décisions prises dans ces conditions sont difficiles à accepter. Mais il y a quelque chose qui ne va pas dans le concept de remettre en cause le résultat de l’élection ou du vote quand on le perd.

Churchill disait « La démocratie est le pire des systèmes, à l'exclusion de tous les autres ».


Là ce qu’il faut considérer, c’est l’alternative à respecter ce système… personnellement, même si parfois il m’arrive comme à tout le monde de m’agacer du résultat d’un vote, je n’ai néanmoins aucune appétence pour un pays qui serait gouverné par un dialogue entre la rue et les médias !


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