Voeux 2019

Une bonne année, simple, basique.


Chers amis, 

Pour commencer 2019 sur de bonnes bases, il me semble important de rappeler quelques vérités essentielles:
La terre est ronde. 
Elvis est mort.
Neil Armstrong, l’astronaute américain a bien marché sur la lune.
Le Sida n’a pas été développé en laboratoire et testé sur la population africaine avant d’être lâché sur la France pour enrichir des entreprises pharmaceutiques... 
Le monde n’est pas gouverné par des extraterrestres reptiliens qui auraient pris la forme des humains.

Je sais. Vous vous dites là tout de suite que la petite députée elle a sévèrement abusé de l’alcool pendant les fêtes. Ou que décidément ses 8 jours de vacances n’étaient pas suffisant.
Sauf que : la théorie que la terre est plate? 1 français sur 10 en est persuadé. La lune? 16% des Français pensent que les Américains n’y sont jamais allé. 32% des Français pensent que le Sida est une sorte d’arme bactériologique inventée par les labo pharmaceutiques.. 

Toutes ces théories sont parmi les 8 théories du complot les plus populaires sur internet. 

Selon une étude, 79% des français adhèrent à au moins une théorie du complot.

Alors quand il s’agit de dire qu’on a aperçu Elvis Presley au coin de la rue, ça fait sourire. Ce n’est pas très grave. Mais quand on doit convaincre les 55% des Français qui croient que les vaccins sont des poisons, de faire vacciner leurs bébés parce que ne pas se vacciner c’est courir le risque de voir se répandre des épidémies qu’on avait pourtant éradiqué... C’est beaucoup moins drôle. Et c’est pourtant comme ça que nous avons commencé l’année 2018. 

Quand on vous explique que les attentats de Strasbourg ont été organisés par le gouvernement pour faire taire les gilets jaunes... Quand on vous dit que l’Élysée a une espèce de milice secrète et que Benalla en est la preuve… Quand on vous dit qu’en Nord-Isère, à Bourgoin-Jallieu, pendant les manifestations lycéennes une jeune fille aurait été tuée d’un coup de flash ball dans la tête et que les forces de l’ordre, les journaux locaux et les élus auraient étouffé l’affaire? Ca ne fait plus rire du tout. 

Ca inquiète même. Ou en tout cas, moi, ça m’inquiète. Beaucoup.

Avant il y avait trois catégories d’information. Les faits. Les mensonges. Et les opinions. La terre est ronde: c’est un fait. Elle n’est pas plate, car ça c’est un mensonge. La terre est peut-être belle, ça c’est vous qui voyez. C’est votre opinion. Chacun peut avoir la sienne et on peut ne pas être d’accord.

Simple. Basique même. Seulement 3 catégories: Vérité. Mensonge. Opinion. 

Mais aujourd’hui, vous avez des gens qui essayent de nous convaincre que des faits, seraient peut-être des mensonges. Ou, à défaut de mensonges, des opinions. 

Le pire exemple de ce phénomène ? Les négationnistes.. ceux qui nient l’existence des chambres à gaz. Pour eux rien n’est vrai, on n’a pas de preuves.. ou les preuves sont fabriquées. Ce serait peut-être même « une invention des juifs pour qu’on les plaigne »... C’est pourtant un fait historique documenté. Peut-être même LE fait le plus documenté de l’histoire... Pourtant, en 1996, une historienne a été attaquée en procès par un négationniste antisémite dont elle avait dénoncé les propos comme faux. Et la charge de la preuve était de son côté. C’est à dire que ce n’était pas au négationniste de prouver que les chambres à gaz n’avaient pas existé. C’était à elle de prouver que ce qu’il disait était faux. Elle a mis 4 ans à prouver qu’il mentait. 

Ca vous paraît bizarre qu’on puisse mettre aussi longtemps à apporter les preuves d’un mensonge aussi énorme? Eh bien sur un sujet plus de saison, il y a un film américain qui s’appelle « Miracle sur la 34e rue » que je vous conseille. Dans ce film, un homme prétend être le Père Noël.

On finit par l’accuser d’être fou et comme c’est aux États-Unis il y’a un procès… Ce qui est intéressant c’est qu’à la fin, l’avocat du Père Noel gagne le procès en disant à l’accusation: « mon client dit qu’il est le Père Noël. Vous ne le croyez pas? Très bien. Prouvez que ce n’est pas vrai. Prouvez que le Père Noël est quelqu’un d’autre ou qu’il n’existe pas. » Eh oui… C’est compliqué. Donc dans le film, le Père Noel est relâché et les enfants sont ravis. Mais dans la vraie vie, les historiens, les scientifiques, les gouvernements, se débattent chaque jour contre des mensonges fabriqués sur les réseaux sociaux.

Car en effet, débattre avec des conspirationnistes, c’est aussi absurde que de prouver qu’un fou n’est pas le Père Noël. Débattre avec les conspirationnistes, ou avec les gens qui sont convaincus que le gouvernement est à la solde des lobbys… Ou des banques... Ou gouverné par des extra-terrestres… Ou que Macron va « vendre la France à l’ONU qui prévoit l’arrivée de 480 millions de migrants pour détruire l’Europe »… C’est parfaitement faux, une fois encore, le traité de Marrakech ne fait évidemment rien de la sorte, mais vous pouvez argumenter tant que vous vous voulez, si vous n’êtes pas d’accord avec ces théories, au final, pour les complotistes, vous êtes soit naïf, soit complice. 

Autre exemple? Le climat se réchauffe. Une espèce animale ou de plante disparaît toutes les 20 minutes soit 26280 espèces disparues chaque année. Près d'un quart des espèces animales et végétales pourrait disparaître d'ici le milieu du siècle en raison des activités humaines. L’humanité va être confrontée dans les années à venir à des catastrophes de plus en plus fréquentes. Ca, ce sont des faits. Ca fait peur. Mais c’est indéniable. C’est scientifiquement prouvé avec des preuves en béton.. Les experts climatiques sont persuadés que l’activité humaine est responsable de ce réchauffement climatique... Pourtant, seulement 58% des gens y croient.
Les 42% restant sont ce qu’on appelle des climato-sceptiques. Ils disent : « Le réchauffement climatique? Mouais... c’est toi qui le dit. C’est ton avis. » Mais non!!! Il n’y a pas d’avis à avoir par rapport à des faits. C’est comme ça! Que ça nous fasse plaisir ou pas, c’est la vérité! Et ceux qui disent que le réchauffement climatique n’existe pas, ils n’expriment pas simplement une opinion contraire. Il n’y a pas d’avis divergent possible avec la vérité. Dans le meilleur des cas, soit ils parlent sans savoir, soit ils mentent! C’est tout. 

Imaginez un enfant qui vous dit que 2+2 font 8. Vous le corrigerez et vous lui donnerez la bonne réponse: c’est facile, il se trompe. 2+2 ça fait 4. Simple. Basique.

Maintenant imaginez des adultes qui vous disent que 2+2 ça fait 8... Et qui vous disent que c’est VOUS qui vous trompez en disant que ça fait 4? Que 4, c’est votre avis ? Qu’ils ont le droit d’avoir le leur? Puis imaginez qu’ils commencent à enseigner à leurs enfants que ça fait 8? Imaginez qu’ils lancent une chaîne YouTube ou créent un site internet pour enseigner aux enfants des autres, aux vôtres, que ça fait 8? Et imaginez en plus, que cette chaîne YouTube dise aux enfants que l’avis des enseignants est « juste leur avis », qu’ils « ne savent pas », ou pire, que les enseignants « font parti du complot et qu’ils nous mentent et nous manipulent pour nous contrôler »? Qu’il faut « se libérer du diktat du 2+2=4 »...

Voilà ce qui se passe aujourd’hui en France. Vous avez des tas de gens qui expliquent en boucle que 2+2 ça fait 8. Et tous ceux qui essayent de rétablir la vérité sont traités par ces personnes de manipulateurs. 

Alors, voilà, je voudrais en 2019 que nous nous mettions d’accord sur des vérités de base. 

Macron n’est pas Hitler. 

Le gouvernement en place n’est pas une dictature. 

La révolution et la violence ne sont pas « le seul moyen de reprendre le pouvoir qui aurait été confisqué au peuple ».

Dans un état démocratique comme le nôtre, le moyen d’exercer le pouvoir c’est de se présenter à des élections et d’être élu.

Inciter les gens à essayer de rentrer de force dans les ministères ou à prendre l’Elysée ou les préfectures comme si c’était la Bastille est une incitation à la violence. Dire que tous les élus sont pourris ce n’est pas plus défendable que de dire que tous les migrants sont des violeurs. C’est une incitation à la haine. Et la haine mène invariablement à la violence, comme à Bottrop en Allemagne le soir du nouvel an où un automobiliste haineux a foncé sur des réfugiés avec sa voiture, blessant grièvement plusieurs d’entre eux.

Je ne nie pas l’utilité d’une saine colère pour se mettre en mouvement. La colère c’est une énergie qui peut être positive, ou qu’on peut mobiliser positivement. C’est l’indignation qui m’a poussée, moi aussi, à m’investir en politique. Voir des choses autour de moi que je trouvais insupportable m’a poussé à agir. 

Il y a toujours eu des manifestations dans les rues, et aujourd’hui sur les rond-points, de gens en colère ou indignés qui veulent changer les choses. C’est très bien. Très respectable. J’irai même plus loin, c’est souhaitable. Et ils me trouveront toujours à leurs côtés pour avancer. Pour les aider à prendre leur place dans le débat démocratique. Voltaire disait « Même si je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, je me battrai jusqu’à la mort pour que vous puissiez le dire. » Je partage cette idée (même si j’espère qu‘on n’aura pas besoin d’en arriver là).

Mais vivre dans une société où on peut tout dire a une exigeante contrepartie : la possibilité d’avoir un débat démocratique sincère, la confrontation d’arguments contraires étayés dont peut émerger la vérité. Car si la liberté d’expression ne peut être contrainte dans un pays libre, elle doit, à défaut, se heurter à un mur solide d’esprit critique. 

La vérité est en état de siège permanent sur la place publique et sur les réseaux sociaux. Et nous avons, tous, sans exception, le devoir de vérifier ce qu’on y entend ou ce qu’on y lit et de défendre ce qui est vrai. 

Or, sous couvert de liberté d’expression on tolère, parfois presque en s’excusant, des propos invraisemblables.

Ces dernières semaines, sous couvert d’une colère « légitime », les réseaux sociaux ont déversé un flot d’insultes ininterrompu sur le gouvernement. Cela a nourri une violence d’abord verbale qui a conduit dans son stade ultime à ce que des élus aient été agressés chez eux, leur lieu de travail dégradés, leurs voitures parfois brûlées. La colère, je l’ai dit, c’est un carburant (sans mauvais jeu de mot). Mais un carburant, tout comme la colère, ça peut être utilisé soit pour aller de l’avant, soit pour mettre le feu aux voitures. 

Si les élus qui ont été pris pour cibles avaient été choisi, non pas parce qu’ils représentaient la majorité présidentielle, mais pour des critères religieux, sexuels ou raciaux, on aurait parlé d’incitation à la haine et les propos auraient été punis par la loi, retiré des réseaux sociaux. Ces actes auraient suscité une indignation générale. Pourtant, là, j’entends presque « ils l’ont bien cherché ». Qu’est-ce qui justifie qu’un négationniste ou un raciste puisse être condamné par la loi pour incitation à la haine mais qu’un complotiste anti-gouvernemental puisse rester libre d’inciter à la haine des élus?

La liberté d’expression c’est certes avoir le droit de tout dire, mais comme tout droit fondamental il s’accompagne d’un devoir tout aussi essentiel : celui de la responsabilité pour celui qui l’exerce et celui de la vigilance critique pour celui qui la reçoit.

Umberto Eco disait « Les réseaux sociaux ont donné le droit à la parole à des légions d'imbéciles qui avant ne parlaient qu'au bar et ... On les faisait taire tout de suite. Aujourd'hui ils ont le même droit de parole qu'un prix Nobel .. »

J’entends déjà les gens me taxer de mépris.

Pourtant, dire qu’on trouve vraiment tout et n’importe quoi sur internet n’est pas méprisant mais réaliste. Et il est urgent, je crois, de sortir d’un nivellement pseudo-égalitaire des propos et de réapprendre à hiérarchiser la validité de ce qu’on lit. 

Tous les hommes naissent égaux en droit, mais leurs idées ne se valent pas pour autant. Et il est dangereux de répandre l’idée que la parole du premier venu aurait autant de poids que la parole de l’expert. Car alors la démocratie se réduirait à cette phrase de Jacques Brel : "Mettez onze imbéciles d'un côté, dix philosophes de l'autre....Les imbéciles l'emporteront !". 

On voit bien que la démocratie ne peut pas se réduire à la victoire du nombre. Car alors le poids de la majorité peut au contraire devenir tyrannique et injuste (une tendance dont tout pouvoir exécutif en situation largement majoritaire devrait se méfier). « Et pourtant elle tourne! » disait déjà Galilée en 1633 contraint de revenir sur ses découvertes scientifiques sous peine de mort. 

Le nombre seul ne donne pas raison. C’est l’avis éclairé d’un grand nombre de personnes qui permet de se rapprocher de la vérité. C’est pour cela que les parlementaires, qui n’ont pas la science infuse eux-non plus et qui ne sont pas compétents sur tous les sujets, interrogent chaque semaine des centaines d’experts, qu’ils travaillent sur des rapports, effectuent des recherches avant de rendre un avis sur un texte de loi.

C’est parce qu’un tel travail de recherche est important avant de prendre une décision que je ne crois pas à la systématisation des référendums citoyens. Certains sujets s’y prêtent, d’autres non. Je m’opposerai ainsi pour ma part farouchement à un référendum sur le frexit. Je sais que ça me sera reproché comme un déni de démocratie. Ca m’est égal. Je ne veux pas qu’une décision aussi importante pour l’avenir de mon pays et de mes enfants dépende de la réaction émotionnelle de gens, peut être en majorité, qui n’ont aucune idée de comment l’Europe fonctionne et qui n’ont aucune intention de se documenter extensivement avant de rendre leur avis. Je soutiendrai un référendum sur l’Europe le jour où les Français démontreront qu’ils ont fait l’effort de devenir suffisamment experts sur le sujet pour formuler un avis éclairé sur l’Europe. Un récent sondage a montré que moins d’un tiers des français sont capables de répondre à 3 questions simples sur l’Europe. Les questions étaient: Combien y’a -t-il d’états membres ? La Suisse est-elle membre de l’Europe ? Les membres du parlement européen sont-ils élus par les citoyens de chaque état membre? On ne rentraient pas dans les mécanismes du fonctionnement de l’Europe. Et bien le score était de moins de 30% de personnes capables de répondre à ces 3 questions. (http://ec.europa.eu/COMMFrontOffice/publicopinion/index.cfm/Survey/getSurveyDetail/instruments/STANDARD/surveyKy/2099). 

Le référendum est présenté comme un moyen facile d’améliorer la démocratie… Moi je pense que c’est une réponse démagogique et dangereuse au problème qui nous occupe aujourd’hui. La démocratie ce n’est pas facile. La démocratie ça se mérite. Et faire en sorte que le peuple participe à l’exercice du pouvoir, ça ne se règlera pas par un système de clics sur internet. Ca ne veut pas dire non plus qu’on ne doit pas réfléchir à des moyens de rapprocher les gens qui le souhaite de l’exercice du pouvoir, de les aider à devenir davantage acteurs des décisions prises... 

Mais à vrai dire, il existe déjà différentes façons de devenir acteur de la vie publique: on peut faire ce que font les élus locaux ou nationaux tous les jours. On peut faire ce que les associations font quotidiennement : on peut essayer de changer le monde à son échelle. On peut voter pour faire connaître ses idées lors des élections, adhérer à une association ou à un syndicat... On peut s’engager encore plus, se présenter à une élection ou créer une nouvelle association, un nouveau syndicat…

Si c’est trop contraignant, on peut aussi faire des choses plus simples: on peut faire remonter ses idées via les représentants élus par le peuple ou participer à la grande concertation citoyenne qui sera lancée en France le 15 janvier et qui durera jusqu’au 15 mars. On peut y participer sur la plateforme internet prévue à cet effet ou on peut se rendre dans une réunion publique ou même en organiser une. On peut même demander à son maire qu’il tienne un cahier de doléance à disposition si on préfère. C’est du travail, c’est vrai, c’est exigeant. Mais les plus belles choses sont toujours exigeantes et je ne connais rien qui en vaille la peine qui soit obtenu sans une contrepartie d’effort.

Voilà. Mon souhait pour 2019 c’est donc qu’on se remette la tête à l’endroit. 

2+2 ça fait 4. 
Les députés ne sont pas payés 18000 € à dormir dans l’hémicycle. 
D’ailleurs personne ne dort dans l’hémicycle. (Meme si à 3 ou 4h du matin, on baille parfois, je vous le concède)
Le gouvernement peut se tromper, mais il travaille à améliorer les choses pour tous les Français. 
Les journalistes ne sont pas à la solde du pouvoir. Inutile de les prendre à partie, ils font juste leur travail, souvent avec talent (parfois sans), comme tout le monde. 
Les élus, comme les bénévoles des associations, sont des gens engagés qui essayent d’améliorer les choses pour leurs concitoyens parce qu’ils aiment leur pays, leur commune et les gens qui y vivent. 

Et honnêtement, vous, moi, on peut leur dire à tous un grand merci à tous ces engagés qui ne comptent pas leurs heures et essayent sans relâche de trouver des solutions, de rétablir la vérité, d’écoper avec leur petite cuillère la marée montante de mensonges. En tout cas, moi je sais que je leur suis infiniment reconnaissante. A ceux d’aujourd’hui comme à ceux qui les ont précédé. 

Merci à tous d’avoir pris le temps de me lire (c’était long!) et à tous une bonne année 2019.

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